Jean-Claude RISSET
LMA
 CD of sound examples
Total duration : 9 mn 45 s

Cf. details in enclosed notice (in French)

Precision of digital sound structures and unpredicted effects
- 1. (mp3). Interference between sounds. The first sound is a periodic tone with 10 harmonics of equal amplitude, with frequency 55 Hz - a low A. The second sound is the mixture of the previous tone with 9 similar tones of slightly different frequencies  (55,05 Hz; 55,10 Hz; 55,15; Hz; etc), that is, 1/60th of a semi-tone apart. A complex pattern of beats gives rise to the heard effect.
Instrumental imitations and musical variants
- 2. (mp3).  Imitative synthesis of instruments. 22,5 s.
- 3. (mp3).  Three successive approximations of a bell-like sound. 26 s.
- 4. (mp3).  The same motive treated as melody, as harmony and as timbre. 10 s.
- 5. (mp3). Bell-like synthetic sounds, then their transformation into fluid textures. 24 s.
- 6. (mp3). Use of non-linear distorsion to transform sounds. 31 s.
Auditory illusions and paradoxes
- 7. (mp3).  A sound which seems to go up forever. 1mn47s.
- 8. (mp3). A sound going down the scale, yet higher at the end. 20 s.
- 9. (mp3). A succession of tones which seem to go down and slow down indefinitely. 1mn47s.
- 10. (mp3).  A sound which goes down the scale, yet higher at the end, with beats which seem to slow down, yet are faster at the end, and giving the impression to rotate in space. 40 s.
- 11. (mp3).  Two sounds of different pitch. Although the second seems a little lower from the first, it is obtained from the first by doubling all component frequencies. 8 s.
- 12. (mp3).  Two rhythmic sequences. Although the second (B) sounds a little slower than the first, it is obtained from the first (A) by doubling the speed of the tape recorder on which it is played - thus doubling all frequencies and all rates. One hears A-B, then A-B again. 23 s.
Digital sound processing
- 13. (mp3). This passage "multiplies" a clarinet motive. 30 s.
- 14. (mp3).  In this passage, one can hear synthetic imitation of sung voices together with recording of a spoken voice stretched in time without frequency transposition , together with tones which go up and down continuously while non changing pitch class (C). 1mn05s.
 Piano-Computer Interaction
- 15. (mp3). The pianist is accompanied by a program which add fifths arpeggioes - like a kaleidoscope - on the same acoustic piano. The louder the pianist plays, the faster the accompaniment. 46 s.



Jean-Claude RISSET
LMA
Expériences d'Informatique musicale: explications et références
 
Introduction
On trouvera sur ce disque quelques exemples sonores illustrant mes recherches concernant la synthèse et le traitement des sons musicaux. Il ne s'agit pas de musique, mais d'expériences sonores dont certaines ont donné lieu à des applications musicales.
Pour chaque piste du disque,  le texte qui suit donne quelques explications; il renvoie à des publications scientifiques et aussi à des enregistrements sonores.
Avec un programme de synthèse comme Music5, conçu par Max Mathews, l'ordinateur permet de construire des sons "sur plan" avec une précision et une reproductibilité sans précédent, à condition de lui spécifier complètement la structure physique des sons désirés (Cf. Mathews, M.V., 1969, The technology of computer music, MIT Press). Mais c'est l'effet perçu qui est important pour l'auditeur.
 
Précision et imprévisibilité du son numérique
L'effet auditif d'une structure physique donnée peut être difficile à prévoir (on le verra aussi avec les exemples 10 et 11).
 
- 1. Interférence de sons multiples. Cet exemple a été réalisé à la Faculté des Sciences de Luminy (Laboratoire d'Informatique et d'Acoustique Musicale) en 1974. Le premier son est périodique, de fréquence 55 Hz (un la grave), et il comporte 10 harmoniques d'égale amplitude. Le second superpose au premier neuf sons semblables mais dont les fréquences sont voisines et en progression arithmétique de raison 1/20 Hz (55 Hz; 55,05 Hz; 55,10 Hz; 55,15; Hz; etc).
 Si l'on demande a priori à des auditeurs quel sera l'effet audible, ils prévoient que le son sera simplement renforcé en amplitude, si faible est la différence de fréquence - environ 1/60 de demi-ton ; ou alors ils s'attendent à une sorte de cluster. Ils sont surpris d'entendre un curieux "chant d'harmoniques" - do dièze, si, la,  sol, mi ... avec d'importantes variations d'amplitude des différentes composantes - alors que l'amplitude de chacundes sons est constante. Pourtant ils auraient pu prévoir le résultat s'ils avaient pensé que cosp + cosq = 2cos{(p+q)/2}cos{(p-q)/2}. Cette identité trigonométrique est en effet la clé du phénomène de battements: dans le produit des cosinus apparaît la demi-somme et la demi-différence des fréquences. Si les fréquences de deux sons sinusoïdaux différent de 1/20 Hz, l'amplitude résultant de leur superposition va diminuer puis augmenter en 20 secondes. Mais, pour l'harmonique 10, la différence est 10 fois plus grande, soit 1/2 Hz: c'est en 2 secondes que l'amplitude va diminuer puis augmenter; pour l'harmonique 9, c'est en 20/9 de secondes, et ainsi de suite. Le battement existe dès qu'on ajoute deux composantes décalées en fréquence : si l'on en ajoute davantage, le phénomène est plus clair car la sélectivité est augmentée comme dans les interféromètres à ondes multiples, l'amplitude retombant plus rapidement à des valeurs faibles lorsqu'on s'écarte des instants où les composantes sont en concordance de phase.
Cet effet est similaire au "flanging"; de tels phénomènes sont difficiles à démontrer sur des sons acoustiques, moins stables et définis de façon moins précise. Cf. Risset, J. C., 1995, Aujourd'hui, le son musical se calcule, Mathématique et art, sous la direction de Maurice Loi,  Hermann, Paris, 211-233; Hartmann, W.M., 1985, The frequency domain grating, Journal of the Acoustical Society of America 78, 1421-1425.
J'ai exploité ce principe de façon plus élaborée dans mes pièces Contours (CD Neuma 450-71) et Passages (CD Wergo 2013-50).
 
Imitations instrumentales et variantes musicales
L'ordinateur m'a permis de réaliser "l'analyse par synthèse" de timbres instrumentaux : la description physique d'un timbre ne sera pertinente que si elle permet la reconstitution par synthèse d'un timbre semblable. Musicalement le but n'est pas de réaliser des ersatz d'instruments : mais la synthèse imitative permet de contrôler et de transformer musicalement le son suivant des modalités nouvelles (pistes 4, 5, 6).
 
- 2. Imitation d'instruments par synthèse. On entend ici des simulations de sons intrumentaux que j'ai réalisés aux Bell Laboratories dans les années 60 : cuivres, cordes frottées, bois, percussion.
Cf. Risset, J. C., & Mathews, M. V., Analysis of musical instrument tones, Physics Today, 1969, 22 n° 2, 23-30; Risset, J. C., An introductory catalog of computer-synthesized sounds, Bell Laboratories, Murray Hill, New Jersey, 1969 (réédité avec exemples sonores sur CD in The historical CD of digital sound synthesis, Mainz, Germany: Wergo, 1995); Risset, J.C., Son musical et perception auditive, 1986, Pour la Science, 109 (novembre), 32-43.
 
- 3. Trois approximations successives d'un son de cloche. Ces  approximations ont réalisées par synthèse additive aux Bell Laboratories dans les années 60.
Dans le premier son, toutes les composantes inharmoniques ont une décroissance synchrone et non naturelle. Dans le second, la décroissance des composantes grave dure plus longtemps. Dans le troisième, des battements augmentent le réalisme. On pourrait continuer d'affiner l'approximation. La structure des sons produits est complètement décrite par les données de synthèse pour le programme MusicV, qui figurent dans mon catalogue de sons (ainsi que les "recettes" des sons des pistes 2, 4, 7, 8) : Risset, J. C., An introductory catalog of computer-synthesized sounds, Bell Laboratories, Murray Hill, New Jersey, 1969 (réédité avec exemples sonores sur CD in The historical CD of digital sound synthesis, Mainz, Germany: Wergo, 1995)

- 4. Un même motif traité comme mélodie, comme harmonie et comme timbre. Le coup de gong qui fait écho à l'arpège puis à l'accord crescendo-decrescendo n'est pas analysable auditivement, mais on reconnaît qu'il prolonge l'harmonie qui précède. J'ai repris cette idée au début de ma pièce Mutations de 1969 (CD INA-C1003).
 
- 5. Sons de synthèse imitant des cloches et leur transformation en textures fluides. On entend d'abord des sons composés comme des accords et évoquant des cloches, . Puis ces objets sonores distincts se dissolvent en textures fluides, tout en conservant la même harmonie sous-jacente. La synthèse rend facile cette transformation intime, qui préserve l'harmonie en modifiant l'allure. La référence suivante donne la description complète de l'exemple : Risset, J.C., 1989,  Additive synthesis of inharmonic tones, in Mathews, M.V., &  Pierce, J.R., ed., Current Directions in Computer Music Research, M.I.T. Press, pp. 149-156 (avec exemples sonores sur CD). De telles transformations, réalisées aux Bell Laboratories dans les années 60, ont été reprises notamment dans mes pièces  Little Boy (CD Wergo 2013-50) et Inharmonique, réalisée à l'IRCAM en 1977 (CD INA-C1003).
 
- 6. Usage de la distorsion non-linéaire pour transformer les sons.
Cette technique a été maîtrisée par le travail de Daniel Arfib réalisé à Luminy et au LMA à la fin des années 70. Dans cet extrait, la distorsion fait passer du fondamental do au treizième harmonique, voisin d'un fa dièze. Un motif,  joué par des simulacres de timbres cuivrés produits par la technique de modulation de fréquence de John Chowning, reprend cet intervalle de triton, puis le déforme en conservant le "contour", c'est-à-dire la suite de montées et de descentes : comme l'a montré Dowling, la préservation du contour est importante pour réaliser des transformations au travers desquelles un motif préserve une certaine identité. Ce principe fonde ma pièce Contours de 1983, qui figure sur le CD Neuma 450-71.
Cf. Arfib, D. Digital synthesis of complex spectra by means of multiplication of non-linear distorted sine waves. Journal of the Audio Engineering Society, 1979, 27, 757-768; Chowning, J. The synthesis of complex audio spectra by means of frequency modulation, Journal of the Audio Engineering Society, 1973, 21, 526-534; Dowling, W. J., 1978, Scale and contour : two components of a theory of memory for melodies, Psychological Review 85, 341-354.
 
Des imitations instrumentales similaires à celles des pistes 2 à 6 apparaissent dans mes pièces Little Boy, Mutations, Dialogues, Inharmonique,  Songes,Contours, Passages, réalisées entre 1968 et 1982, et qui recourent aussi à d'autres types de sons, mais uniquement des sons de synthèse (à l'exception de brèves sections d'Inharmonique  et Songes). Cf. les CD Wergo 2013-50, INA C1003, Neuma 450-71.
 
 
Illusions et paradoxes auditifs
Erreurs des sens, les illusions sont selon le physiologiste Purkinje des vérités de la perception : elles révèlent ses mécanismes. Nombre d'illusions visuelles sont bien connues, et Mauritz Escher en a incorporé dans ses gravures. Les illusions sonores sont plus récentes : elles supposent un processus de production des sons précis et direct. On pourra consulter les références suivantes :
Braus, I., 1995, Retracing one's steps: an overview of pitch circularity and Shepard tones in European music, 1550-1990, Music Perception 12, 323-351; Charbonneau, G., & J.C. Risset, 1973, Circularité de hauteur sonore, Comptes Rendus de l'Académie des Sciences (Paris), 277 B, pp. 623-626; Charbonneau, G., & Risset, J.C., 1975, Différence entre les deux oreilles pour la perception de la hauteur des sons,  Comptes Rendus de l'Académie des Sciences (Paris), 281 D, pp. 163-166; Charbonneau, G., & Risset, J. C., 1975, Perception de hauteur sonore: schémas linéaires et hélicoïdaux, Comptes Rendus de l'Académie des Sciences (Paris), 281 B, pp. 289-292; Deutsch, D., 1975. Musical illusions, Scientific American,  233, 92-104; Risset, J. C., An introductory catalog of computer-synthesized sounds, Bell Laboratories, Murray Hill, New Jersey, 1969 (réédité avec exemples sonores sur CD in The historical CD of digital sound synthesis, Mainz, Germany: Wergo, 1995) (on trouve dans cette références les "recettes" pour les sons des pistes 7 et 9); Risset, J. C., 1977, Hauteur et timbre des sons, Revue d'Acoustique 42, pp. 263-268; Risset, J. C., 1985, Computer Music Experiments 1964- ... , Computer Music Journal 9 n° 1, 11-18 (avec exemples sonores sur CD); Risset, J.C., Son musical et perception auditive, 1986, Pour la Science, 109 (novembre), 32-43; Shepard, R.N., 1964, Circularity of relative pitch, Journal of the Acoustical Society of America 36, 2346-2353; Wessel, D.L., & Risset, J. C., 1979, Les illusions auditives, Universalia (Encyclopedia Universalis), pp. 167-171.
 
- 7. Un son montant indéfiniment.
Roger Shepard avait réalisé en 1964 une gamme de douze sons formés d'octaves et donnant l'impression de monter sans fin lorsqu'ils sont répétés - un processus déjà utilisé en musique, de Bach à Berg, et en lutherie, dans le procédé des reprises : mais il ne pensait pas le phénomène réalisable en continu. Je produisis ce glissando en spirale aux Bell Laboratories en 1968  grâce à un dosage soigneux de l'enveloppe spectrale, qui renforce les fréquences centrales et introduit ou élimine de façon très graduelle les fréquences graves et aigües.
 
- 8. Un son descendant la gamme et pourtant plus aigu à la fin qu'au début. Cet exemple a été réalisé aux Bell Laboratories en 1968. Les composantes se déplacent vers le bas et leur centre de gravité vers le haut.
Les pièces suivantes font entendre les deux paradoxes précédents dans un contexte musical dans les pièces suivantes : Little Boy  - deuxième volet, Fall (CD Wergo 2013-50) et Mutations (CD INA C1003).
 
- 9. Une succession de notes paraissant descendre et ralentir indéfiniment. Cet exemple et le suivant ont été réalisés à Luminy en 1975.
L'idée du ralenti indéfini est due à Kenneth Knowlton, qui l'a mis en oeuvre avec des impulsions de hauteur différente. La méthode que j'utilise est différente, et le ralentissement peut s'appliquer à des sons quelconques. Cf. Risset, J. C., 1997,  Rhythmic paradoxes and illusions: a musical illustration, Proceedings of the  International Computer Music Conference, ICMA, San Francisco, 7-10.
 
- 10. Un son paraissant descendre la gamme et devenant pourtant plus aigu, avec des battements qui paraissent ralentir mais qui deviennent cependant plus rapides, et donnant l'impression de tourner dans l'espace. L'exemple est décrit intégralement dans Risset, J. C., 1989, Paradoxical sounds, in M.V. Mathews & J.R. Pierce, ed., Current Directions in Computer Music Research, M.I.T. Press, pp. 157-163  (avec exemples sonores sur CD). Cf également Risset, J.C., 1977, Paradoxes de hauteur, Rapport IRCAM n° 10; Chowning, J. The simulation of moving sound sources, Journal of the Audio Engineering Society, 1971, 19, 2-6.
 
- 11. Deux sons de hauteur différente. Bien que le second paraisse un peu plus bas que le premier, on l'obtient à partir du premier en doublant toutes les fréquences qui le composent. Exemple réalisé aux Bell Laboratories en 1968.  Cf. Risset, J. C., 1971, Paradoxes de hauteur,  Proceedings of the 7th International Congress of Acoustics,  Budapest, S10, pp. 613-616.
 
- 12. Deux passages rythmés. Bien que le second (B) paraisse un peu plus lent que le premier, on l'obtient à partir du premier (A) en doublant la vitesse de défilement du magnétophone - doublant ainsi toutes les fréquences et toutes les cadences. On entend A-B puis de nouveau A-B. Cet exemple a été réalisé au LMA en 1996. Cf.  Risset, J. C., 1986, Pitch and rhythm paradoxes: Comments on "Auditory paradox based on a fractal waveform",  Journal of the Acoustical Society of America, 80, pp. 961-962; Risset, J. C., 1997,  Rhythmic paradoxes and illusions: a musical illustration, Proceedings of the  International Computer Music Conference, ICMA, San Francisco, 7-10.
J'ai tiré parti des paradoxes de ryhtme que j'ai développés dans les pièces Moments newtoniens III, pour 7 instruments et bande (CD "Mille et un poèmes - Poèmes français du XXe siècle", Planète n° 1, Compacts Radio-France 1988) et  Contre nature pour percussion et bande.
 
Traitement numérique des sons
 
Le  traitement permet de partir n'importe quel son, d'origine acoustique ou non, mais le matériau sonore enregistré est moins ductile que les sons de synthèse. Il faut procéder à des méthodes élaborées pour réaliser des transformations intimes et raffinées.
 
- 13. Ce passage "démultiplie" un motif de clarinette. Il a été réalisé au LMA en 1988 sur le processeur audionumérique SYTER, muni de logiciels développés par Pierre Dutilleux.
Ce type de travail a donné lieu à plusieurs oeuvres "mixtes" : Voilements, dédié au saxophoniste Daniel Kientzy (qui l'a enregistré sur le disque compact Sax and computer, INA C2000 - avec Racot, Terruggi), Attracteurs étranges, dédié au clarinettiste Michel Portal (oeuvre enregistrée par Serge Conte sur le CD Cultures électroniques 11, IMEB/UNESCO/CIME - avec Invisible et des oeuvres de Kotonski), et Lurai (disque en préparation avec Denise Mégevand, harpe celtique). J'ai aussi utilisé le traitement des sons dans des oeuvres comme Electron-Positron, qui a illustré l'inauguration du LEP au CERN en 1989, Sud (CD INA-C1003) et Elementa, réalisés au Groupe de Recherches Musicales, INA, Paris.
 
- 14. Dans ce passage on entend des voix chantées de synthèse et des enregistrements de voix parlée étirés dans le temps sans transposition, ainsi que des sons qui montent et descendent tout en restant sur la même note. Exemple réalisé au LMA en 1995.
Les voix de synthèse ont été produites à partir de la voix de la soprano Irène Jarsky - elles sont stylisées et simplifiées. Une modulation graduelle amène le caractère vocal. Cf. Chowning, J., Frequency Modulation Synthesis of the singing voice, in Mathews, M.V., & Pierce, J.R., ed., Current Directions in Computer Music Research, 1989, 57-63.
Les mots "Une sensation de vide" enregistrés par Irène Jarsky ont été étiré dans le temps à l'aide du programme Sound Mutations écrit par Daniel Arfib. Ce programme décompose le son en "grains" qui peuvent être recomposés différemment pour donner des transformations intimes comme cet étirement sans transposition. Cf. Arfib, D., & Delprat, N., Musical transformations using the modifications of time-frequency images,Computer Music Journal, 1993, 17 n° 2,  66-72.
Des sons peuvent rester sur la même note - ici un do - gardant la même hauteur "tonale", et pourtant passer continûment du grave à l'aigu. Cf. mon catalogue de sons ; G. Charbonneau & Risset, J. C., 1975, Perception de hauteur sonore: schémas linéaires et hélicoïdaux, Comptes Rendus de l'Académie des Sciences (Paris), 281 B, pp. 289-292; J. C. Risset, 1978, Paradoxes de hauteur, Rapport IRCAM n°  10, with sound examples, 1978.
Ce type de recherche a donné lieu à une oeuvre, Invisible, qui réunit la voix d'une soprano en direct et une partie sur support. Cette oeuvre, qui a obtenu le prix EAR 1997 de la radio hongroise et le prix Magisterium 1998 de Bourges, figure, avec la voix d'Irène Jarsky, sur les CD Invisible, GMEM/EI 06 et Cultures électroniques 11, IMEB/UNESCO/CIME (avec ma pièce Attracteurs étranges et des oeuvres de Kotonski).
 
Interaction piano-ordinateur
L'interaction piano-ordinateur permet de réaliser un véritable "duo pour un seul pianiste" : la seconde partie est jouée, sur le même piano - un piano acoustique, avec touches, feutres et marteaux - par un ordinateur qui suit le jeu du pianiste. Il faut pout cela un piano spécial - ici un Yamaha"Disklavier" - équipé d'entrées et de sorties MIDI. Sur ce piano, chaque note peut être jouée du clavier, mais aussi déclenchée par des signaux électriques qui commandent des moteurs pouvant abaisser ou relâcher les touches. Chaque fois qu'une touche est jouée, elle envoie un signal indiquant quand et à quelle intensité. Les signaux suivent la norme MIDI utilisée pour les synthétiseurs. Un ordinateur Macinstosh reçoit cette information et renvoie les signaux appropriés pour faire jouer le piano. Le programme établi pour l'ordinateur détermine de quelle façon la partie de l'ordinateur dépend de ce que joue le pianiste. Le pianiste est donc accompagné par un partenaire virtuel programmé mais sensible.
J'ai exploré différents types de relation entre ce que joue le pianiste et ce que joue le programme : relation simple de translation - transposition de hauteur - ou de symétrie; relations plus complexes - canons polyrythmiques, résonances acoustiques, suivi de partition, prolifération d'arpèges illustrée sur la piste 15.
J'ai initialement mis en oeuvre ce processus en 1989  au M.I.T. lors d'un séjour invité dans le groupe "Music and Cognition" dirigé par Barry Vercoe, Media Laboratory, avec le soutien du Massachussetts Council of the Arts. Le programme temps réel utilisé est MAX, écrit par Miller Puckette au M.I.T. et à l'IRCAM. J'ai bénéficié de l'aide extrêmement compétente de Scott Van Duyne.
La démarche est décrite en détail dans l'article Real-time performance interaction with a computer-controlled acoustic piano (Risset, J. C. & Van Duyne,  S.C.), Computer Music Journal, 20 n° 1, 1996, 62-75 (dix exemples sonores d'une durée totale de 10 mn figurent sur un disque compact accompagnant ce numéro de la revue).  J'ai illustré par ce processus deux oeuvres musicales, Huit esquisses et Trois études en duo pour un pianiste : chacun des mouvements explore et démontre un processus différent. Mon enregistrement des Huit esquisses en duo pour un pianiste  figure sur kes CD Neuma 450-87 (avec Nelson, Saariaho, Karpen, Fuller & Dusman) et Digital Rewind 25, Media Lab, MIT Experimental Music Studio (avec Child, Roads, Vercoe, Harvey, Davidovsky).
 
- 15. Dans l'exemple donné ici, réalisé au LMA en 1991, le programme ajoute des arpèges sur le même piano, à la façon d'un kaléidoscope. Plus le pianiste joue fort, plus l'accompagnement est rapide, ce qui est une relation inusitée et très ludique.
 
 
 

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